Musée sans Histoire(s) II

A Evelyne Tort,
Pour son accueil, sa générosité et sa confiance
Sans qui l’aventure de L’Œil et l’Esprit n’aurait pas eu lieu
 

17 novembre 2010, visite des Collections Italiennes du Musée des Beaux-Arts de Marseille à la Vieille Charité (Peintures et dessins du XVIe au XVIIIe siècle)

Le Louvre :
1989, année de l’inauguration du Grand Louvre…

1995, découverte Des noces de Cana de Véronèse restaurée en 1992…

2000, Pavillon des Sessions : Art et civilisations d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques (inauguration, le 13 avril 2000)…

Et Août 2002, de la place des Vosges à l’Arche de la Défense, collections d’Asie et Moyen-Orient du Louvre et visite de la Bibliothèque François Mitterrand

Vieille Charité à Marseille en novembre 2010

Dès que j’ai vu le tableau de Giovanni Paolo PANNINI sur le carton d’invitation, j’ai su que je devais le photographier. Daniel, conférencier des musées, m’en offrit l’occasion en m’invitant à une visite commentée le mercredi suivant. La douceur du soleil de novembre rayonnait, pendant que mon esprit naviguait dans mes souvenirs. J’ai travaillé pendant deux ans à la Direction des Musées dans le service d’Evelyne… La Vieille Charité m’est ainsi familière même si je suis toujours impressionnée par la beauté de sa façade, la coupole ovale de la chapelle… Pierre Puget, architecte du Roi réalisa cet hospice en 1670. Au centre du Panier, ce lieu emblématique en délabrement fut transformé en centre culturel dans le cadre d’une rénovation urbaine en 1986.

Visite ˆla Vieille Charité en novembre 2010

Je retrouve Daniel devant la Chapelle avec son groupe, des personnes âgées. Nous entrons dans la première salle étroite et sombre. Les tableaux accrochés, sur un mur rouge terre, sont de facture classique.  Les questions tout d’abord prudentes de Daniel ont pour réponse la beauté des tableaux. Daniel remarque la broche d’une dame dans un fauteuil roulant.  « … un joli camée… » (Evelyne aimait ceux-ci)… Puis peu à peu, de tableaux en tableaux, le petit groupe commence à percevoir les personnages mythiques et religieux, l’histoire, la composition… Il se prend au jeu et participe dans la bonne humeur. Daniel explique quelques scènes et fait disparaître le premier sentiment d’ébahissement au profit de la connaissance et d’une réflexion fine sur les personnages de l’ancien testament, sur les anges et tous leurs acolytes, archanges, chérubins, séraphins.

Esquisse pour la galerie du cardinal Silvio Valenti Gonzaga de Giovanni Paolo PANNINI (1727-1804), collection du Musée des Beaux-Arts de Marseille

Les personnes âgées se fatiguent vite, nous restons sur un banc en attendant sa prochaine visite. Je lui parle des nouveaux dispositifs et des nouvelles technologiques mis en place dans la scénographie des musées et de l’enrichissement qu’ils procurent aux visiteurs. Les musées de Marseille ont du retard… Songeant au rôle du conférencier, irremplaçable, je poursuis ma visite. Seule, vers mon objectif : le petit tableau de la galerie du cardinal Silvio Valenti Gonzaga est sur un mur bleu roi. Cette esquisse représente pour moi parfaitement ce que devait être Le Louvre à une époque, pas seulement un lieu de contemplation mais aussi un lieu de rencontre, de déambulation et de travail, un espace social et populaire au même titre que le jardin public.

La Pyramide du Louvre en 2010

Le Louvre…

Le Palais classique d’une beauté intemporelle tellement parisienne, Le Musée le plus grand du monde. Universel (le). L’Histoire mais laquelle. La sienne, celle des rois de France, du siècle des Lumières et de la Révolution, celle de millions de visiteurs ou la mienne.  Je ne sais par où commencer. Je triture mon cerveau, la première fois, les Quatre saisons de Poussin, quelle année ? La restauration des Noces de Cana, avec qui ? A l’occasion de quel voyage ? Je suis perdue dans un dédale.

Reprendre « Musée sans Histoire(s) I » : « … je songe à ces lieux de Culture à l’instigation de Présidents … ». Pour ce second volet, François Mitterrand, quatorze ans de présidence de la République, et ses grands travaux : Le Grand Louvre, l’Opéra Bastille, L’Arche de la Défense… la Bibliothèque Nationale de France. Lui avait une vision claire et savait ce qu’il voulait dès 1981. Moi, je pose la carte de Paris sur le mur, je prends des punaises de couleurs, bleues (l’axe historique de l’arc du Carrousel à l’Arche de la Défense), noires la suite vers l’est, rouges (ces quatre grands chantiers), et du fil.

Je fais le point sur mon axe historique. Ma première visite du Louvre en 1989, l’année de l’inauguration du Grand Louvre et des Magiciens de la Terre, ma seconde année aux Beaux-Arts de Nantes. Avec Brigitte, nous passons par la porte Jaujard (actuelle porte de L’Ecole du Louvre d’où venait Evelyne, comme de nombreux conservateurs) afin d’éviter la file d’attente, ce côté intime et privilégié nous poursuit tout le long de notre visite. Nous découvrons de l’intérieur, des fenêtres sur cour, la Pyramide. Plutôt les pyramides (la grande, les trois petites et la pyramide inversée) transparentes comme à Beaubourg, elles permettent l’accès au regard à travers, au dedans, au dehors. La plus grande est une porte d’entrée et un hall, un espace de gestion des flux de plus en plus nombreux, soutenus toujours et régulièrement par de nouvelles acquisitions et expositions, l’ouverture de nouvelles salles aménagées par des architectes reconnues. En 1995, je suis illuminée par les couleurs, si neuves, des Noces de Cana. En 2000, avec Corinne, Faly et son frère nous visitons le pavillon des Sessions dédiées aux Arts premiers (Jean-Michel Wilmotte), une volonté de Jacques Chirac en prévision du Musée du Quai Branly. Le futur Département des Arts de l’Islam (Rudy Ricciotti – Mario Bellini) est en cours. Le Louvre s’exporte aussi dans les régions et à l’étranger… Je me suis perdue dans mes souvenirs et mes documents, comme j’ai pu me perdre dans les couloirs, les salles, les époques… Ieoh Ming Pei a su, lui, réorganiser et recentrer Le Louvre, ce dédale, avec sa Pyramide, ce diamant plus que ce tombeau, en correspondance parfaite avec ce lieu.

Le Louvre a ceci de particulier qu’il est un édifice en perpétuel mouvement. Vivant. De la forteresse de 1190 redécouverte lors du chantier, des Tuileries au Grand Louvre, ce ne sont que constructions, destructions, inachèvements, ajouts et suppressions. Très peu occupé par les rois, à partir de 1692, il accueillera L’Académie Française, l’Académie royale de Peinture et de Sculpture, des collections et des salons. A la révolution (1793), il devient le Museum central des Arts. Le musée ouvert à tous les français souhaité par Denis Diderot, l’encyclopédiste.

Bibliothèque Nationale de France, BNF, Bibliothèque François Mitterrand, Paris

En 2002, lors de ma dernière visite au Louvre, je découvre La Bibliothèque François Mitterrand, une vaste place rectangulaire, vue sur la seine et le Ministère des Finances, quatre immenses livres ouverts, à chaque angle. L’essentiel est au centre, le vide, et en contrebas, au centre toujours, un jardin de pins immortels. La place du vide comme les essences volatiles de la forêt sont propices à la réflexion. Assise sur les marches avec mon ami Alex, je pense aux mots de François Mitterrand. Les derniers vœux du 12 décembre 1994 — « … Et plein d’espoir en vous. Je crois aux forces de l’esprit, je ne vous quitterai pas… » —, je comprends cette envie de perdurer face à la mort, mais plus que tout je pense qu’il connaissait comme moi la phrase de Malraux sur l’anti-destin, et la place des œuvres dans la transmission de la culture, il savait la survie des idées et de la pensée à travers les œuvres d’art.

Les  musées, comme les bibliothèques sont historiquement à l’origine des lieux consacrés à des collections constituées par des Princes, même si celles-ci sont maintenant dans des institutions publiques ou privées, ceux qui les ont remplacés dans nos démocraties, ont suivis leurs traces. Ils inscrivent leurs personnalités et s’impliquent dans le choix des grands investissements et des lieux. Ils confient à des responsables, des architectes, des équipes de spécialistes et de conservateurs la mise en place et la poursuite de leurs rêves et de leurs ambitions, ce qu’ils veulent partager avec nous et nous transmettre.

La question que je me posais ainsi dans le jardin de Gilles Clément au Musée du Quai Branly, était : Comment les lieux de Culture à l’instigation de Présidents, au travers de leurs passions, du choix des administrateurs, des architectes et des bâtiments… de leurs inscriptions dans la ville, nous transmettent notre culture et nous construisent notre histoire ?

Bibliothèque Municipale à Vocation Régionale Alcazar (au centre) et Archives et Bibliothèque Départementales Gaston Defferre (à gauche et à droite) à Marseille en 2010/11

A Marseille, la Bibliothèque Municipale à Vocation Régionale de l’Alcazar (2004) et les Archives et Bibliothèque Départementales Gaston Defferre (2006) sont, comme l’écrit Jean-Noël Guérini,  — «  … lieu de mémoire et de savoirs, dont l’architecture est un signal et un symbole… » — . Ces mots résonnent d’une façon toute particulière, pour moi véritable petit rat de bibliothèque, je fréquente assidûment  l’Alcazar à deux pas de chez moi, où j’irai dans quelques jours chercher des livres sur le Musée du Quai Branly et le Mucem, pour le dernier volet de cette trilogie.

Laure, Marseille mars – avril  2011.

Lire ou relire le premier volet : Musée sans Histoire(s) I
 
A voir et à lire :
La bataille de la pyramide, Documentaire de Frédéric Compain (France, 1999, 52 mn. Production : Les Films d’Ici, Musée du Louvre, Paris Première)
Une Place pour Paris, une bibliothèque pour la France / Dominique Perrault, (Carte Segrete, 1989)

A propos AssociatEyes

Les complices s’enrichissent, proverbe mis au goût du jour par Paul ELUARD ET Benjamin PERET, La Révolution surréaliste (1925)
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6 commentaires pour Musée sans Histoire(s) II

  1. Asphodèle dit :

    Ca c’est du billet ou je ne m’y connais pas ! Merci pour ce reportage très instructif ! :)

    • AssociatEyes dit :

      Merci pour pour ce commentaire enthousiaste, il m’encourage à finir le 3ème volet de cette série avec l’inauguration prochaine du Mucem.

      Et oui c’est la connexion que j’ai décidé d’établir entre le Musée du Quai Branly (Paris, dernier grand musée d’un président) et le musée Marseillais qui s’en rapproche le plus, le Mucem donc.

      J’espère que vous allez mieux, je vous souhaite un prompt rétablissement.

      A bientôt.

      Laure

  2. vanderauwera dit :

    Je reviens de Marseile . J’ai aimé le Mucem dehors et la Villa Méditérranée dedans. Mais ton magnifique travail me pousse retourner au plus vite dans cette ville qu’on a adoré.
    Bravo à toi.

    • AssociatEyes dit :

      Alain,
      Bonjour,

      Merci pour ce message à la fois pour notre métropole malmenée dans les médias et dans la réalité, il faut bien le dire, mais si la ville et les marseillais ne tenaient qu’à cette actualité… Nous savons qu’elle a, qu’ils ont beaucoup à offrir, et effectivement l’ensemble du MuCEM, de la Villa Méditerranée et le Fort Saint-Jean rénové a de quoi nous enchanter (voir le prochain volet Musée sans Histoire(s) III)… Et toi aussi je pense vue ta belle photo que j’ai vue sur ton site, il y avais beaucoup de vent ? Et encore merci pour ce bravo que je prends pour un encouragement collectif pour notre trio d’auteur.

      A bientôt à Marseille, j’espère )))

      Laure

    • AssociatEyes dit :

      Merci d’avoir rebloguer cet article, qui est un de nos articles phares… “Your favorite place” est aussi celui de beaucoup de personnes… Ces lieux sont des plaisirs partagés )))

      Laure

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