« Mister G », le monsieur-tout-le-monde marseillais de la photo

                    Gilbert Garcin, un nom et un prénom aux consonances bien familières pour la native marseillaise que je suis. C’est vrai que j’aurais pu le croiser mille fois, ce monsieur, sans me douter que sous son allure de vieil homme digne au regard malicieux, un artiste photographe de renommée internationale étonne ses contemporains par des clichés à la fois surréalistes et cocasses. Mais il a fallu le hasard d’une visite aux Rencontres d’Arles 2013 pour que je découvre les œuvres de cet octogénaire atypique, tant par sa vocation très tardive – c’est à la retraite qu’il se forme à la photographie, et à Arles même – que par sa technique presque rudimentaire. Et pourtant, je me rappelle avoir été tout de suite intriguée par l’univers onirique et parfois burlesque de ces tirages en noir et blanc. Alors quand j’apprends que dans la dynamique de Marseille-Provence Capitale européenne de la culture 2013, un hommage lui est enfin rendu dans sa ville natale, je convaincs facilement mes amies de nous rendre à la Galerie Detaille pour l’exposition Utopies en noir et blanc qui présente des œuvres de l’artiste jusqu’au 7 décembre 2013.

Exposition Utopies en noir et blanc de Gilbert Garcin à la galerie Detaille   (Photomontage ©spuech et1ère photo  ©A.L.Picca 2013)

Exposition Utopies en noir et blanc de Gilbert Garcin à la galerie Detaille
(Photomontage ©spuech et1ère photo ©A.L.Picca 2013)

     Mister G se photographie et met en scène sa propre image devenue un « monsieur-tout-le-monde ». D’une photo à l’autre, je m’amuse à retrouver ce même personnage, une sorte de clone de Mr Hulot, silhouette reconnaissable à son long pardessus, dans diverses situations comme autant d’allégories de notre humanité. Parfois rejoint par une silhouette féminine, son épouse complice, la « madame-tout-le-monde » sans doute, il erre avec elle dans des décors abstraits mais vaguement familiers, et se représente dans des saynètes où la mélancolie se mêle à l’humour. Et je m’évade avec eux dans des paysages à la Magritte, des mondes étranges et fantaisistes dans lesquels mon imagination s’embarque aisément. Puis quand je lis sous chaque tirage le titre donné par l’artiste, je me confronte soudain alors aux interrogations aussi lucides que goguenardes que Gilbert Garcin nous pose sur la condition humaine.

Le compte exact (2001) – La différence (2004) - Le témoin (2002) - Se rendre utile (2008) – Le moulin de l’oubli (1999) - Sauver la nature (2012), 6 Utopies en noir et blanc de Gilbert Garcin, Galerie Detaille, Marseille      (Photomontage ©spuech 2013)

Le compte exact (2001) – La différence (2004) – Le témoin (2002) – Se rendre utile (2008) – Le moulin de l’oubli (1999) – Sauver la nature (2012), 6 Utopies en noir et blanc de Gilbert Garcin, Galerie Detaille, Marseille (Photomontage ©spuech 2013)

     En effet, plus que de simples représentations insolites et poétiques, ces images me semblent être également des sortes d’apologues visuels, des illustrations philosophiques et convaincantes de l’absurdité de nos propres réalités. Ces photos m’amusent mais me questionnent. Et c’est en cela qu’elles sont percutantes. Car elles nous renvoient à nos histoires, à nos destins, à nos êtres un peu perdus et soumis à la fortune, comme ces deux personnages, figurines plantées dans un environnement à l’équilibre incertain. Tels des « monsieur-et-madame-tout-le-monde » nous ressemblons tous à des marionnettes impassibles et impuissantes devant des éléments qui nous dépassent.

Que penser de cet équilibre précaire ? L’union (2001) de Gilbert Garcin, Galerie Detaille, Marseille (Photo ©spuech 2013)

Que penser de cet équilibre précaire ? L’union (2001) de Gilbert Garcin, Galerie Detaille, Marseille (Photo ©spuech 2013)

      Mais heureusement, la fantaisie de ces montages photographiques, l’ironie et la dérision, permettent à chacun, et à moi c’est sûr, le recul nécessaire pour éviter tout pathos et accablement. Je jubile devant ces images, jamais répétitives malgré leurs similitudes, et mes amies avec moi. Elles nous charment par leur apparente simplicité qui rend leur message plus convaincant.

Lorsque le vent viendra  (2007) - Le danger des images (2012) et l’artiste « Mister G » lui-même de dos, Galerie Detaille, Marseille. (Photomontage ©spuech 2013)

Lorsque le vent viendra (2007) – Le danger des images (2012) et l’artiste « Mister G » lui-même de dos, Galerie Detaille, Marseille. (Photomontage ©spuech 2013)

     Comme nous charme l’artiste venu en personne rendre visite à ses hôtes, Hélène et Gérard Detaille, et qui engage une affable conversation avec nous autres visiteurs, à l’écoute et accessible, sans prétention et pourtant affuté. Un dialogue inattendu, agréable et bienveillant où chacun peut dire sans façon son ressenti. Et pour moi, la certitude d’un rendez-vous réussi avec un artiste qui m’était inconnu il ya a peu de mois encore, et dont je suis bien contente d’avoir découvert les œuvres au hasard de mes élans artistiques pour mieux les partager et les faire découvrir.

               Sylvie, octobre 2013

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Les complices s’enrichissent, proverbe mis au goût du jour par Paul ELUARD ET Benjamin PERET, La Révolution surréaliste (1925)
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8 commentaires pour « Mister G », le monsieur-tout-le-monde marseillais de la photo

  1. Merci pour cet article ! Je ne manquerais pas de passer par le galerie Detaille lors de mon prochain passage à Marseille. En attendant, je « reblogue ».

  2. Reblogged this on En revenant de l'expo ! and commented:
    Une exposition qui mérite certainement une visite !

  3. Polina dit :

    Merci de faire partager ces travaux splendides à ceux qui n’ont pas la chance de vivre à Marseile, même si Paris regorge d’expos, c’est toujours un plaisir de découvrir ce qui est mis en lumière dans d’autres villes !

  4. AssociatEyes dit :

    Cela fait plaisir de lire que c’est une chance de vivre à Marseille, surtout en cette année 2013 où la culture est mise à l’honneur ! Merci pour votre commentaire.

  5. Merci pour ce rappel sensible du travail de Mister G., très touchant, sans prétention, plein d’humour et de dérision. Un des artistes phares (pour moi !) de ces rencontres 2013…

    • AssociatEyes dit :

      En effet, l’un des artistes à juste titre célébré pendant les Rencontres 2013, et qu’il était temps de montrer à Marseille ! Merci pour votre sympathique commentaire.

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