Le Corbusier à Marseille, le Gris n’est pas la Couleur de notre Cité Radieuse

La façade de La Cité Radieuse, Unité d'Habitation (1947-1952), 280 Boulevard Michelet - 13009 Marseille

La façade de La Cité Radieuse, Unité d’Habitation (1947-1952), 280 Boulevard Michelet – 13009 Marseille

Un jour, il y a quelques années déjà, je découvrais La Cité Radieuse… Voyant les couleurs apposées aux côtés de chaque terrasse, la façade m’apparaît telle une toile et me replonge dans mes souvenirs… Sur les bancs des Beaux-Arts de Nantes, dans l’atelier sculpture avec Brigitte (l’amie que vous avez pu découvrir dans Demain c’est aujourd’hui…), je consultais un épais catalogue de Le Corbusier qu’elle avait emprunté. J’ai gardé à l’esprit ses peintures. Voici un de mes premiers souvenirs marquant de cet architecte mondialement connu, avant d’en découvrir plus amplement l’œuvre architecturale au fil des catalogues, des visites de sites, des conférences et des expositions… Ce jour-là, face à la masse de l’architecture de béton me surplombant, j’entraperçus la sensibilité esthétique soulignée par ces quelques touches de couleur sur ces formes simples en suspension au-dessus du sol, un parallélépipède rectangle maintenu par quelques cônes…

Au début de l’année 2007, je visitais une exposition intitulée « Une Cité en chantier, Le Corbusier, de la Cité radieuse de Marseille à la Cité de l’architecture et du patrimoine » à l’Espace Bargemon (Ville de Marseille), conçue et réalisée en partenariat et présentée auparavant à Paris, Firminy et Saint-Quentin-en-Yvelines. Sans doute la Cité de l’Architecture et du Patrimoine célébrait-elle la fin du dernier et plus grand ensemble de Le Corbusier réalisé en France, et le second derrière Chandigarh, avec l’achèvement de l’Eglise Saint Pierre (Firminy-Vert, 1960 – 2006). François de Mazières, président de la Cité de l’architecture et du patrimoine, expliquait que « L’exposition illustre l’entreprise, engagée depuis cinq années par la Cité de l’architecture et du patrimoine et l’Éducation nationale, de “retranscription” d’un appartement-type de la Cité radieuse de Marseille, à laquelle ont participé 17 lycées professionnels et techniques d’Île-de-France. Conçu, fabriqué et meublé à échelle de l’original, l’appartement sera ensuite installé de façon permanente dans la Galerie d’architecture moderne et contemporaine de la Cité de l’architecture et du patrimoine au Palais de Chaillot, à Paris. » (dossier de presse). La visite de l’exposition et de ce fac-similé d’un appartement à l’échelle 1/1 à Marseille (puis à Paris en août 2010), et l’engouement ressenti lors de la conférence (20/01/2007) au Musée d’Histoire grâce à l’investissement des interlocuteurs Robert Dulau, Pascal Mory, Fernando Marza et Pierre-Antoine Gatier dans cette action, me montrent le chemin parcouru.

Entre 1947 et 2007, la perception de l’œuvre de Le Corbusier, même si elle reste polémique, a bien changé. L’unité d’Habitation de Marseille qui apparaissait en 1952 comme la Cité d’un Fada est maintenant la Cité Radieuse, plus personne ne parle de « Destruction ». Lorsque j’entendis ce commentaire dans le documentaire « Firminy, le maire et l’architecte«  (*film d’Olivier Cousin et Xavier Pouvreau – 2007 – France – 53 minutes), je réalisais, envisageant un instant l’absence de cette construction avec un peu d’effroi, le parcours effectué par l’Histoire et les consciences. Claudius Petit, Ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme, Maire de Firminy…, l’instigateur de La Cité Radieuse et du quartier de Firminy, y apparaît en compagnie de son ami Le Corbusier. Le documentaire, riche de témoignages d’habitants, d’actualités, de documents et de paroles d’experts…, montre comment l’architecture, l’urbanisme et le politique visionnaires et engagés peuvent changer la couleur d’une ville. Entre 1954 et 1965 Firminy-Noire est devenue Firminy-Vert.

 27 mars 2013, visite de Firminy-Vert… 

D’apres Salubra, claviers de couleur, LE CORBUSIER (Diaporama – Le son intégré au photomontage est un enregistrement de la NASA d’une pluie coronaire lors d’un éruption solaire du 19 juillet 2012 , intitulé « Fiery Looping Plasma Rain – Sound of the the Sun »)

Jeudi 31 octobre 2013, visite de l’exposition Le Corbusier revient à Marseille.

LC au J1. Le Corbusier et la question du brutalisme, Du 11 octobre au 22 décembre 2013 Commissariat : Jacques Sbriglio. Production : Marseille-Provence 2013. Avec le concours de la Fondation Le Corbusier. Partenaire grand projet: AG2R La Mondiale. Avec le soutien de ProHelvetia.

L’Histoire comme la mémoire n’est pas linéaire, comme notre visite, elle ne suit pas des chemins tout tracés. Agnès, Sylvie et moi commençons par là où il y a moins de monde, à l’envers évidemment… Une femme (sculpture de bois de 1953) nous y invite. Au cours de cette visite, un va-et-vient s’installe entre l’oeuvre de Le Corbusier, solaire, lumineuse, colorée, chaude, et la Mer, entre deux villes aussi : Marseille et Saint-Etienne, entre La Cité Radieuse et le quartier de Firminy-Vert que j’ai visité en mars (De #MP2013 à la #Biennaledesign13...). Jacques Sbriglio, qui connaît bien l’Unité d’Habitation de Marseille, en a repris l’esprit et les couleurs, Jaune, Vert, Rouge, Bleu… sur les plafonds, les murs… Des espaces blancs viennent s’inscrire au milieu du J1, laissant toujours apercevoir la mer, les quais et les navires. Le J1, bâtiment industrielle portuaire, s’inscrit dans « L’espace moderne… fondé sur la notion du « plan libre »… L’architecture moderne reprend le rêve gothique et, se basant sur la technique nouvelle pour réaliser ses intuitions artistiques, établit, avec les grands vitrages désormais devenus parois de verre le contact absolu entre l’espace interne et l’espace externe. » (Apprendre à voir l’architecture de Bruno Zevi – p.79). Ainsi la lumière naturelle de l’après-midi vient renchérir les couleurs des toiles, se refléter sur les sculptures de bois vernis, apporter contraste et volume aux maquettes, sublimer aquarelles, plans et dessins. Enfin il faut bien le dire, la scénographie, qui soigne la diversité, le foisonnement, les multiples pratiques artistiques et architecturales de Le Corbusier et le spectateur, m’a conquise. Un exemple parmi d’autres : les tabourets du cabanon sont omniprésents pour nous asseoir. Comme dans l’Unité d’Habitation, où « l’alliance de l’individuel et du collectif » (*Gilles Ragot) permet à chacun la rencontre dans la rue centrale ou sur le Toit-Terrasse et le point de vue personnel dans son appartement. Chaque espace nous accueille et nous entraine vers un ailleurs… d’autres continents… l’Afrique, L’Asie, l’Amérique…

Ici, dans le vaste espace portuaire du J1, les mots de Le Corbusier résonne, « Tout est architecture », « Observer, c’est découvrir, inventer » et « Tout retourne à la mer ».

25 novembre 2013, Retour à La Cité Radieuse (Visite de l’exposition « Le Corbusier dans Le Corbusier à la Cité Radieuse », photographies de Christophe GUERY).

De la conscience du vide sous cette masse de béton suspendue à l’étendue du paysage urbain et maritime, je marche sur le Toit-Terrasse, où les éléments architecturaux, insolites, techniques et rationnels, esthétiques et symboliques… comme les cheminées, l’école maternelle, le gymnase (l’actuel MaMo)… accentuent un sentiment d’évasion. Le bâtiment m’entraine vers un ailleurs… Je vois à l’horizon la mer et le ferry… Marseille-Alger… Et je pense à toutes les autres destinations, les autres métropoles internationales où se trouvent les autres architectures de Le Corbusier. Je parcoure le panorama, allant au-delà, autour de la planète… Paris, Anvers, Bagdad, Bhakra, Carthage, Chandigarh, Cambridge (USA), Ahmedabad, La Plata, Stuttgart, Bruxelles, Genève, Berlin, Zurich, Moscou, Tokyo, New-York, Rio de Janeiro…

Laure, Marseille, 19 novembre au 3 décembre 2013.

Du Toit-Terrasse de La Cité Radieuse, Unité d'Habitation (1947-1952), 280 Boulevard Michelet - 13009 Marseille

Du Toit-Terrasse de La Cité Radieuse, Unité d’Habitation (1947-1952), 280 Boulevard Michelet – 13009 Marseille

Post-scriptum, je vous invite vivement à voir le documentaire « Firminy, le maire et l’architecte » et à lire l’article extrêmement complet de Jean-Luc Cougy « Le Corbusier et la question du brutalisme. Exposition LC au J1 à Marseille ». Que je remercie pour le lien vers cette vidéo « Le Corbusier: An Atlas of Modern Landscapes » (by Blouin ArtInfo), qui m’est apparue comme un pas supplémentaire vers la compréhension globale de l’œuvre de Le Corbusier.

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Les complices s’enrichissent, proverbe mis au goût du jour par Paul ELUARD ET Benjamin PERET, La Révolution surréaliste (1925)
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6 commentaires pour Le Corbusier à Marseille, le Gris n’est pas la Couleur de notre Cité Radieuse

  1. jmrenard dit :

    Le Corbusier est avant tout un plasticien insuffisamment reconnu. Je garde toujours en mémoire la visite d’un appartement de la Cité Radieuse de Marseille alors que j’étais jeune adolescent, et la réplique réalisée dans la Cité de l’Architecture est très prégnante. Quant à l’appartement en duplex à double orientation Il faut rappeler que la paternité en revient aux recherches des architectes soviétiques menées durant les années 20, LC a été dans ce cas précis un développeur d’idée.

  2. Polina dit :

    J’aurais tellement aimé m’y rendre, d’autant plus que le nombre d’expositions qui lui sont consacrées se font de plus en plus rares, j’ai l’impression. Je ne peux que partager l’avis de jmrenard.

  3. A reblogué ceci sur Patrick Solereet a ajouté:
    Le mois du re-blog
    Je me suis amusé à lire vos blogs en entier et y découvert des pépites, je vous propose de les (re)découvrir ainsi que vos nouveautés.

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